Les dérogations

Une dérogation à la promesse Zéro Résidu de Pesticides peut être mise en place de façon exceptionnelle à condition que cette présence soit fortuite et/ou techniquement inévitable. Un produit (espèce végétale) qui obtient une dérogation peut donc présenter des résidus dans des teneurs inférieures à la limite maximale de résidus (LMR), conformément à la règlementation. Tous les cas de dérogations sont validés par le Comité de Labellisation après analyse d’un dossier technique argumenté.

> Cas des dithiocarbamates
Les dithiocarbamates sont une famille de composés organiques. Ils regroupent un ensemble de molécules comme le manèbe, le mancozèbe, le métirame, le propinèbe, le thirame et le zirame. Ces substances actives sont de la catégorie des fongicides. Certaines sont homologuées (mancozèbe, métirame, zirame) et d’autres sont retirées d’homologation (Manèbe, Propinèbe, thiram). Les analyses de résidus actuelles pour quantifier les substances actives de la famille des dithiocarbamates sont basées sur le dosage et la quantification de CS2 (disulfure de carbone).
 Cependant, certaines familles de fruits et légumes comme les Alliacées ou les Crucifères (Brassicacées) ont la particularité de produire du CS2 de manière endogène (c’est, par exemple, à cause de cela qu’on pleure quand on coupe un oignon !).
 Le Comité de Labellisation du Collectif Nouveaux Champs a pris position sur les filières Ail, Oignon, Echalote, Poireau et Navet. Position qui consiste à systématiser une méthode d’analyse de caractérisation des trois grandes familles de dithiocarbamates (Ethylène-bis-dithiocarbamates (Mancozeb, Maneb, Zineb…), Propylène-bis-dithiocarbamates (Probineb…), Diméthyl-dithiocarbamates (Ferbam, Thiram, Ziram…)). Si l’une des trois familles est quantifiée, cela prouve l’origine chimique du résidu. Dans ce cas, le lot est déclassé. S’il n’y a aucune quantification parmi les trois familles, alors l’origine naturelle est la plus probable est le lot est considéré comme conforme. Dans les cas de toutes les autres filières du Collectif Nouveaux Champs, la règle de décision reste inchangée : nous suivons la définition réglementaire du résidu à savoir l’analyse des CS2. En cas de quantification de CS2, l’échantillon est considéré comme non conforme.

> Cas de l’acide phosphonique
Pourquoi une dérogation “acide phosphonique” pour certains fruits et certains vins ?

En résumé
Avant toute chose, il faut savoir que l’acide phosphonique, parfois trouvé dans des fruits issus de l’arboriculture ou dans des vins issus de la viticulture ne représente pas de danger pour la santé des consommateurs. Sa présence en faibles quantités est considérée comme sans risque par les autorités sanitaires. Les produits restent donc sûrs et conformes aux normes de sécurité alimentaire.

L’acide phosphonique est le métabolite de dégradation de la substance active phytosanitaire Fosétyl-Al et autres phosphonates y compris des produits de biocontrôle, mais il a également d’autres origines possibles. La bibliographie montre des origines potentielles provenant du sol, d’une production par la plante ou encore des engrais. Nous considérons qu’en dessous de 2 mg/kg d’acide phosphonique quantifié en arboriculture et viticulture, soit très en deçà des LMR, nous sommes dans le cas d’une présence de cette matière active qui n’est pas due à un résidu de pesticide. En cas de quantification de Fosétyl-Al seul, l’analyse sera systématiquement considérée comme non-conforme. La dérogation est mise en place uniquement si aucun traitement pesticide n’a été réalisé à minima dans les deux dernières années avec du Fosétyl-Al. Les produits phytosanitaires contenant cette substance active figurent obligatoirement en liste noire, liste qui rassemble les substances actives dont l’utilisation est interdite.

L’acide phosphonique peut effectivement constituer un résidu de pesticide si l’agriculteur a utilisé du Fosétyl-Al et autres phosphonates, y compris des produits de biocontrôle.

Cependant, Il peut avoir d’autres origines. Il peut se former naturellement dans les sols, provenir des engrais (à base d’algues par exemple), de biostimulants, de produits de traitement de l’eau ou encore d’aide à la fermentation alcoolique. Dans ce cas, sa présence dans les aliments n’est donc pas liée à l’usage de pesticides. De plus, les phosphonates sont utilisés comme solutions de biocontrôle dans la lutte contre certaines maladies fongiques (le mildiou).

Nous justifions le fait que le résidu retrouvé, dans les teneurs trouvées, n’est pas un résidu de pesticides.
Ce sujet concerne toutes les agricultures,
y compris l’Agriculture Biologique.

Pour aller plus loin…
L’acide phosphonique, également connu sous le nom d’acide phosphoreux, est un composé chimique avec la formule chimique 𝐻3𝑃𝑂3.
Est considérée comme un “résidu de pesticide” la quantité de substance active et de métabolites (= produit de dégradation de la substance active) qui reste sur la partie consommable de la plante. Autrement dit :

Résidu de pesticide
=
métabolite + quantité de substance active restante au moment de la récolte

Si l’agriculteur a utilisé du Fosétyl-Al, alors l’acide phosphonique est le métabolite de dégradation du Fosétyl-Al, qui est un produit utilisé comme une forme de vaccin de la plante (contre le milidou notamment).
Si l’agriculteur n’a pas utilisé de Fosétyl-Al, alors l’acide phosphonique peut provenir du sol directement, d’une production naturelle par la plante ou encore des engrais présents à proximité.
Les méthodes analytiques actuelles ne permettant pas de préciser si l’acide phosphonique détecté provient d’une dégradation d’un produit phytosanitaire ou s’il est d’une autre origine.
Finalement, on peut comparer l’acide phosphonique à des anticorps : ils peuvent être là naturellement, mais ils peuvent aussi avoir été développés suite à un vaccin. Dans les deux cas, ils restent dans l’organisme en quantité minime et sans risques.

Dans les productions engagées en “Zéro Résidu de Pesticides”, aucun traitement pesticide n’a été réalisé à minima dans les deux dernières années avec du Fosétyl-Al. Les produits phytosanitaires contenant cette substance active figurent obligatoirement en liste noire.
Nous considérons qu’en dessous de 2 mg/kg d’acide phosphonique quantifié en arboriculture et en viticulture, nous sommes dans le cas d’une présence de cette matière active qui n’est pas due à un résidu de pesticides.

Alors pourquoi existe-t-il une dérogation dédiée ?
Dans un souci de transparence et d’information du consommateur, tout simplement : la dérogation sert à ne pas vider les mots de leur sens. S’il y a de l’acide phosphonique, on ne peut pas dire “zéro” résidu de pesticide, car même si l’on n’a pas traité avec du Fosétyl-Al, on ne peut pas garantir l’origine de la présence de cette molécule. Alors on la range, par sécurité, dans la catégorie des résidus de pesticides et on veille à ce que la quantité ne dépasse par la limite maximale de résidus (LMR).
Pour rappel, nos aliments labelisés Zéro Résidu de Pesticides se trouvent non seulement en dessous de la LMR, mais aussi en dessous de la limite quantifiable de résidus de pesticides par les instruments de mesure. Les produits contenant de l’acide phosphonique, eux, se trouvent entre la limite quantifiable et 2 mg/kg.

C’est quoi la LMR de l’acide phosphonique ?
La LMR (Limite Maximale de Résidus) de l’acide phosphonique se réfère à la quantité maximale de résidus de ce composé autorisée dans les denrées alimentaires, en particulier dans les produits agricoles, après l’application de produits phytosanitaires. Les LMR sont établies pour garantir que les résidus présents dans les aliments ne présentent pas de risque pour la santé des consommateurs.

En savoir plus sur les LMR :
https://agriculture.gouv.fr/maitrise-des-produits-phytosanitaires-limites-maximales-de-residus-lmr

Bibliographie

• Malusa E., Tosi L. (2005). Phosphorous acid residues in apple foliar fertilization : results on field trials

• Fiche descriptive publiée par le BNN (Bundesverband Naturkost Naturwaren) (2017). Phosphonic acid, potassium phosphonate (potassium salt of phosphonic acid), fosetyl-aluminium May 2017

• Grinbaum M. (2017). Impact des itinéraires viticoles sur la présence de résidus de produits phytosanitaires dans les vins ; partie 1/3 : synthèse des résultats de 4 années d’étude. Revue des oenologues n° 164 – juillet 2017

• Grinbaum M., Cottereau P., Didier V. (2017). Impact des itinéraires oenologiques sur les résidus de produits phytosanitaires dans les vins. Partie 2/3, Revue des oenologues et des techniques vitivinicoles et oenologiques n°165

• Becquet S., Hubert A., Vinsonneau E., Cottereau P., Desseigne JM., Poupault P., Grinbaum M.,(2021). Gestion de la contamination croisée par les pesticides dans les vins bio